Chapitre un peu plus long, mais plus riche en détails
Le concours
Un quart d'heure plus tard, le téléphone sonne. Je descends en vitesse au salon, et je le trouve vide. Je décroche juste au moment ou mes deux petits frères accourent. Je leur fais signe de se taire, puis j'imite la voix de ma mère, comme toujours.
« Allô? »
« Heu, bonjour, je voudrais parler à Maaliká, s'il vous plait. »
« C'est moi, gros crétin! »
« Maaliká? C'est Sílo. »
« Merci, j'avais reconnu… »
« Je voulais te demander, est-ce que tu veux venir jouer chez moi ? Avec Sílí, on s’ennuie. Et puis, on a une véranda toute neuve avec sol de pierre, on pourra facilement faire quelques parties de billes, qu’est ce que t’en dis? »
« J’en dis : pourquoi t’es pas venu directement devant chez nous pour le dire, au lieu de gaspiller stupidement tes unités ? De un. De deux, vous avez déjà fini vos devoirs ?! Et de trois, non désolée je ne peux pas venir, mes parents sont pas là et j’ai mes petits frères à surveiller. »
« Ah. Dommage. Bon, tant pis. Et si c’était nous qu’on viendrait chez toi ?? »
« Quand tu dis nous, c’est seulement vous deux j’espère. »
« Euh, non, en fait, il y a aussi Veronickä et on s’est permis d’inviter Fliviå, Jörn et deux autres gamins du village. Alors ? »
« Bon, rappliquez tous, je verrai sur place. »
De l’autre côté du fil, la voix se fit plus lointaine.
« Youpi ! on va tous chez elle ! préparez-vous ! »
Puis, revenant à moi.
« On arrive, à tout de suite ! »
Je me retourne ensuite vers mes frères.
- Les parents sont partis, ils ont dû aller faire des courses. Des copains vont venir. Vous n’avez pas intérêt à vous faire remarquer !
Je fais les gros yeux à Díder.
- Enferme-le dans sa chambre. Et écoute bien tout ce que je te dirai. Je te donnerai mon plus beau calot si tu obéis à tout mes ordres.
La porte d’entrée tinte, au moment où il revient. On dévale les escaliers, et j’ouvre brusquement la porte.
Je me retourne, et crie dans le vide.
- Ils sont là! C’est eux!
- Qu’est-ce que tu fais? me demande mon imbécile de frère.
En guise de réponse, je lui envoie un coup de pied.
- Salut, les gars! Je suis désolée, on est déjà cinq en plus de mes frères, alors ça va pas le faire. Je vais en choisir quelques uns d’entre vous. Alors, Fliviå, entre, les jumeaux, aussi, et je suis désolée mais on va en rester là. Mes parents n’aiment pas qu’on soit beaucoup. Désolée, vraiment, je suis désolée. Mais peut-être que… Qui aime les billes?
Les deux autres s’enfuient, mais Jörn et un petit garçon restent.
- Entre, Jörn! Bonjour, bonhomme! Comment tu t’appelles? Tu aimes les billes?
- Merci, désolé, je suis très timide, je veux pas déranger. Je m’appelle Igor et les billes, c’est ma passion! Je les ai apportées, mais elles tiennent à peine dans mes poches. Mon papa, il vient de Russie, j’en ai plein des belles qui viennent de là-bas.
- Dis donc, t’en as de la chance! on va peut-être se faire des échanges, d’a-d’acc?
- Euh... Maaliká?
Je me retourne.
- Euh... moi j’aime pas trop du tout les billes, me dit timidement Fliviå. Je peux retourner avec Veronickä, s’il te plait?
- Bien sûr! je suis désolée, ils ont dû oublier de te prévenir qu’on allait jouer à ça. Par contre... tu peux dire à Pauliná, puisqu’elle habite pas loin de chez toi, que Díder l’attend, on va faire quelques parties de billes. Merci !
- A d’main ! elle me sourit.
Puis on retourne dans le couloir et je trace le cercle de tout à l’heure. Je compte rapidement.
- On est six, deux chacun et y en a un qui en mettra trois.
- Ça peut être toi, s’il te plait?
- Mais bien sûr! Au fait, je vous présente Igor.
- On sait! disent les jumeaux ensemble. C’est pour ça qu’on l’a fait venir. On allait chercher Fliviå, et on l’a croisé dans une rue.
Ils m’entrainent un peu à l’écart.
- Si t’avais vu ce qu’il sait faire! il ne rate pas un seul coup, même de loin! C’est un don du ciel, cet enfant! Maaliká, tu as entendu? Un don du ciel !
- Chut, je rigole, pas trop fort ! ça sert à rien de m’avoir emmenée à l’écart si c’est pour crier pour se faire entendre de tout le monde !
- Désolé. N’empêche, c’est un véritable champion ! Il devrait participer à un concours international de billes, tu sais, je suis sûr qu’il remporterait quelque chose.
- Et ben on va voir ça…
- D’accord.
Je retourne près du cercle. Mon copain m’a donné des idées. Souffle quelques ordres à Díder. Celui-ci disparait.
- Ecoutez-moi tous, s’il vous plait! Votre attention! Si vous êtes ici, c’est pour jouer aux billes?
- Oui! hurle l’assemblée.
- Et pour en gagner ?
- Oui !
- Alors bienvenue à l’ouverture et au premier concours inter- Santamäkan de l’année! Nous allons jouer sur plusieurs cercles, chacun deux par deux. Et tout le monde affrontera tout le monde! Voici les règles: celui qui sort le plus de billes de l’enclos remporte le match. A la fin de chaque match, vous viendrez inscrire le résultat sur cette feuille. Celui qui remporte le plus de matchs gagne le concours...
Je sens quelqu’un tirer dans mon dos.
- ...et cette magnifique coupe d’or.
Et je montre à l’assemblée une minable petite coupe dorée que j’avais gagnée au championnat de foot inter-écoles, en sixième, que mon frère vient de m’apporter.
- Le deuxième, cette médaille d’or! Le troisième, cette coupe d’argent! Le quatrième cette médaille d’argent! Le cinquième, cette coupe de bronze!
Les objets défilent devant leurs yeux.
- Le sixième, cette médaille de bronze! Et enfin, le dernier: ce magnifique boulard!
Et je leur montre le joyaux de ma collection de billes, un boulard baleine, le plus gros du monde. 10 cm de diamètre. Je vois les yeux de Igor briller.
- Je rappelle: on ne dépasse pas dans le cercle, on ne déconcentre pas son adversaire de quelque manière qui soit. Soyez fair-play. Faites le maximum de vous-mêmes, surtout, ne faites pas exprès de perdre juste pour avoir ce prix-ci ou celui-là. Bonne chance à tous. Que le meilleur gagne (en regardant Igor). Le concours est ouvert!
Tout le monde s’élance vers les cercles que Díder a tracés pendant mon discours. On entend les billes tinter. Des ”toi, je te provoque en duel!” ”tu rêves, je vais te battre!” ”on va voir ça!” retentissent dans le couloir. Mais Igor ne bouge pas. Il est fasciné par le boulard que je tiens toujours dans ma main. Je m’approche de lui.
- Il est beau, hein?
- Trop. Tu l’as eu où? Tu es folle de le donner comme ça.
- Si tu veux tout savoir, je l’ai en double.
- Vrai?
- Oui. C’est un peu de la triche, mais bon...
- Si je le gagne pas, tu me l’échangeras?
- Ça dépend.
- Génial!
- Maintenant, viens, ou on va rater quelque chose.
La sonnette choisit cet instant pour retentir.
- Díder, c’est pour toi!
Pendant qu’il descend, je vais au bout du couloir et trace un dernier cercle. Puis, j’installe à l’intérieur sept billes. Igor en sort, les observe, en remet, en ressort, approuve de la tête, et les installe. Sort du grand cercle. Me regarde.
- Je commence ou toi?
- Moi.
Je m’avance, et pichenette deux des plus belles que j’ai mises. Il s’avance. Se met à un bon angle de tir, pour faire domino. Vise. Et en dégage trois d’un petit coup sec. Une des miennes. Heureusement, pas trop belle. J’applaudis. Vise. Rate mon coup. Il revient à la charge. En dégage une seule, qui roule dans le couloir vers l’escalier, et est arrêtée par le pied de Díder qui revient avec sa copine. Il la lui tend, en lui murmurant bravo. Puis il s’installe dans le dernier cercle avec sa copine. J’en sors encore une, et lui deux. Les billes ne sont plus que quatre. J’en sort une. Lui deux. Moi une. On compte. Il a gagné. Je vais inscrire le score sur la feuille, et vois qu’il y en a qui sont déjà très avancés. Je cours vers Sílí, qui flâne en direction d’un terrain vide, et lui propose de me combattre. Il accepte. Je me dirige vers l’enclos que je viens de quitter, installe six agathes. Il en installe sept. Je lui demande:
- T’as déjà fait combien de combats?
- Quatre, et toi?
- C’est mon deuxième.
- Qui a gagné?
- Igor.
- Je te l’avais dit!
- Oui, je sais. Bon, tu joue?
- Honneur aux filles.
Je souris, m’avance, en sors deux d’une pichenette habile. Les mets dans ma bourse. Il en sort une, puis moi deux. ça commence mal! il faut absolument que je perde, si je veux avoir la chance de gagner le boulard pour l’avoir en double et l’échanger à Igor! Mais il équilibre en enlevant trois pépites. J’en sort deux. Lui deux. Aïe! Je fais exprès de rater mon coup. Il sort la dernière. Combien est le score, déjà? je transpire. Compte rapidement.
- Tu as gagné! je m’exclame, et fonce marquer ça sur la feuille.
J’ai failli gagner. Il faut que je sois plus prudente. Je défie ensuite mon petit frère. Pour lui, pas de quartiers! J’en pose sept, lui six. je comence. Vise ses plus belle. Il vise les miennes. Quel idiot! J’ai pris toute ses billes, et ai encore perdu. J’en ai gagné des belles et bientôt je vais pouvoir avoir des billes de Russie et me débarrasser d’un boulard trop encombrant. Je marque le score. Trois duels, tous perdus. Regarde les scores. Fais encore plein de parties. Tout le monde a bientôt terminé. Sílo m’a pris une ”montgolfière”, mais je lui ai vite ré-échangé. J’annonce les scores.
- En dernière place il y a moi, qui remporte le boulard.
Applaudissements. Je reçois le boulard. Deviens rouge. Regarde Igor. Il hoche de la tête.
- En sixième place il y a mon frère Díder, qui n’a gagné qu’un match contre moi, parce que je l’ai laissé faire.
Tout le monde rigole. On apporte à Díder la médaille de bronze.
- En cinquième, Pauliná, qui a la coupe de bronze. En quatrième place, Jörn, qui a la médaille d’argent. En troisième place, Sílí, qui n’a pas pu gagner contre son frère. Coupe d’argent. En deuxième place, Sílo, qui a battu tout le monde sauf Igor. Médaille d’or. Et enfin, notre champion d’aujourd’hui, Igor, coupe d’or!
Les applaudissements fusent, c’est la cohue, tout le monde veut lui serrer la main. Je reste à l’écart. Souris. C’est un fier petit bonhomme. Un véritable don du ciel, c’est vrai. mais je sais qu’il deviendra un bon ami.